10 janv. 2016

2084 : la fin du monde de Boualem Sansal (Gallimard - Collection Blanche)

Grand Prix du Roman de l'Académie Française ex-aequo 2015 et Meilleur Livre de l'année 2015 du magazine Lire, ce roman d'anticipation raconte le destin d'Ati au coeur du royaume totalitaire de l'Abistan. Dans cet empire, tout est basé sur la soumission absolue à un dieu unique, à sa parole retranscrite dans le Gabkul et à son délégué sur terre, Abi. La population est maintenue dans un état d'ignorance et d'amnésie général. Jusqu'au jour où un de ses sujets, Ati, commence à se poser des questions...

Ce livre me tentait vraiment au sein de la rentrée littéraire. J'adore les anticipations et autres uchronies (qui sont souvent des genres cantonnés à la SF, à la littérature anglo-saxonne ou au YA) et je trouvais intéressante, l'exploitation de ce genre dans une littérature dite "sérieuse" et "adulte" (même si, en règle général, je déteste les étiquettes). De plus, l'actualité sordide et désolante d'une année 2015 en ébullition (en France et dans le monde) m'a aiguillée vers la lecture de cet auteur, dont je me demandais s'il pouvait fournir des clefs pour comprendre ce chaos.
J'ai reçu ce livre dans le cadre de ma participation aux Matchs de la Rentrée Littéraire de PriceMinister-Rakuten.

Je ne suis pas du tout déçu par la lecture de ce roman que je qualifierai plutôt de fable ou de conte que de roman d'anticipation. Si l'analogie à 1984 de Georges Orwell est pleinement assumée et les références omniprésentes, j'ai personnellement souvent pensé à Candide ou l'optimisme de Voltaire. La naïveté du héros, son parcours initiatique, sa découverte des turpitudes du monde, son envie d'en sortir... 
L'écriture est très belle, très "souple", très imagée, parfois d'une poésie "orientalisante". D'ailleurs, la langue est très importante dans le déroulé du récit car la simplification à l'extrême de l'Abilang, imposée dans le royaume et composée de mots d'une à deux syllabes au maximum, sert à la soumission de la population. Comment s'interroger quand on ne dispose pas de mots pour exprimer l'abstraction ou pour conceptualiser? 

En revanche, j'ai eu du mal à m'attacher au personnage principal d'Ati, si ce n'est à la fin du livre. J'ai préféré le personnage de son acolyte Koa ou celui de Toz, l'initiateur. J'ai trouvé Ati difficile à suivre dans ses réflexions. Tour à tour naïf et clairvoyant, on ne comprend pas trop ce qu'il veut ni ce qu'il fait. Je ne l'ai pas trouvé très crédible. C'est un problème que j'ai rencontré lors de cette lecture. Nous suivons le point de vue d'Ati, qui ne sait rien et s'interroge continuellement et puis d'un coup, le narrateur change de point de vue et est omniscient. On comprend alors que c'est, sans doute, Boualem Sansal qui expose son "message" mais cela s'insère mal dans le récit. Il aurait fallu créer un autre narrateur, plus omniscient qu'Ati (comme Toz pourquoi pas?) ou bien cantonner son "message" à un épilogue... 
 Enfin, le récit est parfois difficile à appréhender notamment au début. Il faut s'accrocher car l'auteur crée un monde mais ne nous donne que peu de clefs pour le comprendre. Et puis, peu à peu, on comprends le fonctionnement. Il faut se laisser le temps d'y entrer. 

En conclusion, cette lecture ma plu. Le message m'a touché et j'ai trouvé que le transmettre via cette "fable philosophique" était un bon choix même si parfois, il n'était pas communiqué de manière très subtile. Le but du roman est clairement ce message, cet avertissement, cette dénonciation de la possibilité et de l'horreur d'un régime totalitaire religieux qui pèserait, selon Boualem Sansal sur notre société. Selon lui, comment lutter : la langue, la culture, la connaissance, les musées, les écoles... Je ne peux qu'adhérer...

Citation : "Il n'empêche, ce que l'un a vu, entrevu, rêvé seulement, un autre, plus tard, ailleurs, le verra, l'entreverra, le pensera, et peut-être celui-là réussira-t-il à le tirer à la lumière de manière que chacun le voie et entre en révolte contre la mort qui le squatte" (p.41). 

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